Anthony Yarde, le presque champion de boxe

Rares sont les histoires de boxe aussi captivantes que celle d'un boxeur qui frôle sans cesse le sommet sans jamais l'atteindre.

Anthony Yarde, après ses défaites en championnat du monde face à Sergey Kovalev en 2019 et Artur Beterbiev en 2022, s'est de nouveau incliné face au champion WBC David Benavidez en Arabie Saoudite ce week-end et devra peut-être désormais se faire à l'idée (du moins en privé) qu'un titre mondial lui échappera peut-être.

Le Londonien se retrouve toujours à deux doigts de la ceinture mondiale, pour la voir lui filer entre les doigts comme un savon sous la douche. À trois reprises, il a disputé le titre mondial. Et à trois reprises, il est rentré aux vestiaires bredouille, les gants ensanglantés, alourdis par le poids de ce qui aurait pu être.

Lors de son premier combat pour le titre, Yarde a combattu avec la fougue d'un homme en quête de gloire. Il est arrivé en Russie en parfait inconnu et a failli créer la surprise lors d'un huitième round frénétique où il a mis Kovalev en grande difficulté. Cependant, le vétéran russe s'est ressaisi et a utilisé son expérience et sa ruse pour finalement mettre fin au combat face à l'intrépide challenger dans l'avant-dernier round à Tcheliabinsk.

En 2022, il s'est livré à une véritable guerre contre le redoutable champion WBO, WBC et IBF des mi-lourds, Beterbiev. Dans un autre combat acharné, marqué par sa férocité, Yarde a de nouveau eu ses moments forts avant d'être finalement arrêté au huitième round.

Samedi, l'équipe Yarde espérait que la troisième fois serait la bonne face à Benavidez, mais en fin de compte, l'Anglais n'a tout simplement pas trouvé la solution face à la précision et à la puissance du « Monstre Mexicain ».

Benevidez combat avec l'énergie d'un écureuil sous caféine. Il était trop jeune, trop occupé et trop fort pour Yarde, remportant une victoire par KO technique au septième round lors de leur combat principal diffusé en pay-per-view sur DAZN à Riyad.

El Bandera Roja, 28 ans, reste invaincu et cette victoire porte son palmarès à un impressionnant total de 31 victoires consécutives, dont 25 par KO. Il pourrait bien être l'homme de la situation.

Ce fut un combat passionnant, parfois même surréaliste. À un moment donné, Benavidez a enchaîné 18 coups de poing du gauche avec Yarde, tout en le maintenant derrière la tête avec la droite, et l'arbitre Hector Afu (situé à 90 cm) a laissé faire.

Il faut reconnaître à Afu qu'il a bien fait d'arrêter le combat au septième round. L'endurance est le point faible de Yarde. Il possède un physique exceptionnel, mais le Londonien a des fibres musculaires à contraction rapide, ce qui signifie qu'il est explosif et vif, mais pas bâti pour l'endurance. Hélas, quel que soit l'entraîneur, on ne peut rien contre la génétique. Et samedi, ce n'était pas simplement un coup de mou. Il était en grande difficulté, et Benevidez enchaînait les coups puissants à la tête et au corps juste avant l'arrêt du combat.

Après sa dernière défaite, les détracteurs se sont déchaînés sur internet pour blâmer Tunde Ajayi. L'entraîneur de Yarde, âgé de 51 ans – du même acabit que le légendaire préparateur mental de Muhammad Ali, Drew « Bundini » Brown – est à ses côtés depuis ses débuts et, il faut bien le dire, une cible facile.

Il est facile de blâmer Tunde, un homme qui respire la confiance et qui ne manque jamais de formules percutantes. « La violence agit en silence », a déclaré Tunde cette semaine lors d'une interview à l'IFL, lorsqu'on lui a demandé comment ils allaient créer la surprise, paraphrasant une phrase du regretté rappeur The Notorious B.I.G., figure emblématique du gangsta rap de la côte Est américaine.

L'expression « des lions dans le camp » revient souvent, mais on sent bien qu'elle revêt une signification plus profonde pour les deux hommes. Yarde appelle Tunde « Oncle » et a fait preuve d'une loyauté envers son entraîneur rarissime dans une carrière de boxeur aussi médiatisée et rarement sans embûches.

Les lions tissent des liens forts et indéfectibles au sein de leur clan, une caractéristique rare chez les grands félins, prédateurs généralement solitaires.

Yarde n'a quasiment pas eu de carrière amateur. Douze combats, peut-être ? On peut donc affirmer que le duo a réalisé une performance exceptionnelle. Certes, Yarde a perdu contre les meilleurs, mais il a bien gagné sa vie. Son entourage a compris ses limites et il était à deux doigts de la victoire face à Kovalev.

Avec le recul, son départ puis son retour chez Frank Warren n'ont pas été bénéfiques pour sa carrière. Ce ballet incessant de promoteurs a dû être déstabilisant, mais de grands combats nationaux l'attendent encore, notamment contre son compatriote londonien Joshua Buatsi ou le Liverpuldien Callum Smith, s'il décide de poursuivre.

Cependant, son palmarès est de 27 victoires pour 4 défaites (dont 24 par KO), et à 34 ans, il a encore de belles années devant lui. D'ailleurs, sa dernière véritable performance remonte à sa revanche contre Lyndon Arthur, en 2021.

Les boxeurs qui s'accrochent à la boxe sont un peu comme les alcooliques qui ne peuvent se passer d'alcool. Au début, c'est amusant. Puis, c'est amusant, mais avec des problèmes. Puis, ce ne sont plus que des problèmes.

S'il prend sa retraite après cette déroute face à Benavidez, comment l'histoire se souviendra-t-elle de lui ? Il avait le talent inné pour devenir champion du monde, mais il aurait été intéressant qu'il commence la boxe plus tôt, car il est si difficile d'atteindre le sommet avec une expérience amateur aussi limitée.

À une autre époque, il aurait sans doute décroché une ceinture mondiale. Ce qui est certain, c'est que Yarde a réalisé un parcours remarquable compte tenu des circonstances. Ce Londonien est un boxeur qui a mérité chaque opportunité qui s'est présentée à lui. Mais la boxe de haut niveau est réputée pour son impitoyabilité. La marge d'erreur y est infime. Il ne possédera peut-être jamais l'une des quatre ceintures majeures. Mais, pour le consoler, il a assurément gagné le respect de ceux qui connaissent ce sport.

Si la boxe distribuait des ceintures pour la persévérance, le courage, l'effort et la détermination, Yarde serait déjà champion du monde. Le fait que ce ne soit pas le cas définira probablement sa carrière.